lundi 16 février 2015

Entretien avec le manager culturel Moustapha Patrice Ahounou

Moustapha Patrice Ahounou
« J’ai des études de faisabilité pour créer en un mois des millions d’emploi au Bénin »

Fondateur de Business Management Communication, Moustapha Patrice Ahounou, est un spécialiste du management culturel qui intervient sur plusieurs festivals en Afrique et dans le monde. Au détour de son récent passage au Bénin, l’expert culturel à travers cette interview exclusive accordée au journal Educ’Action, lève un coin de voile sur son projet « 1 million d’emploi en 6 mois ». Dans cet entretien, l’acteur Patrice Ahounou, révèle également les insuffisances qui freinent le développement de la culture et des Arts au Bénin après 54 ans d’indépendance. Découverte !


Présentez-vous à nos lecteurs ?

Je suis un acteur culturel, un manager culturel sur le continent africain et un peu plus ailleurs. Je travaille uniquement sur la culture parce que je me suis dit voilà une source de richesse intarissable, fiable et viable que nous avons sur le continent et dont nous ignorons les qualités. Donc depuis plusieurs années, je me suis spécialisé dans le management culturel sur toutes ses formes. Je peux faire de la conception d’un projet, de la réalisation d’un projet, de la coordination d’un projet, du suivi-évaluation d’un projet et de la planification d’un projet. Je suis Béninois d’origine mais je suis africain de nationalité. Je dirige une structure qu’on appelle Business Management Culture (BMC) à travers laquelle je fais du business et du management culturel. Pourquoi du business, parce que la culture ne relève pas du secteur social. Contrairement à ce que les gens pensent, la culture relève du secteur marchand. C’est-à-dire une activité autour de laquelle nous pouvons créer de la richesse et des emplois. Parce que si ceux qui travaillent dans le secteur n’ont pas de quoi vivre, n’ont pas le minimum pour vivre, non seulement ils n’auront pas de la motivation, mais le secteur va mourir.

Après 54 ans d’indépendance, la Culture et les Arts sont toujours à la traine au Bénin. En tant qu’expert  dans ce secteur, vous avez parcouru des pays africains qui ont réussi à faire de la culture un levier pour le développement. Pourquoi dans votre pays ce n’est pas encore le cas ?

Cette situation au Bénin s’explique par un problème d’organisation. Ce n’est pas le problème de management, mais c’est d’abord un problème d’organisation. En Afrique au sud du Sahara, le Bénin est l’un des rares pays où le gouvernement consacre une petite partie de son budget à la culture. Malheureusement, l’organisation qui entoure ce taux affecté à la culture est mauvaise. Elle est mauvaise à partir de la définition du fonds. On ne peut pas octroyer un fonds comme si s’était à but non lucratif. En octroyant  un fonds à la culture, quel est le résultat attendu? On veut stimuler les acteurs à aller un peu plus loin. Mais ce n’est pas ce qui se passe actuellement  parce que le fonds qui devrait servir au développement de la culture n’est pas logé dans une banque. Le fonds n’a pas besoin d’une structure pour sa gestion. Une structure qu’on installe et qui vit de ce fonds, le fonds n’en a pas besoin mais il a besoin des lignes directes. Des lignes qui sont claires et connues de tous. On devrait loger ce fonds dans une banque en disant qu’il est destiné aux acteurs culturels. Un acteur culturel, cela veut dire qu’il répond à des critères bien déterminés. Si cet acteur ne répond pas à des critères, il ne peut pas aller toucher à ce fonds. Il justifie son projet et la banque regarde la faisabilité de son projet suivant des critères avant d’accorder le financement.  En prenant ce fonds à un taux dérisoire de 2% par le bénéficiaire, cela permettra de régénérer le fonds. C’est pour ce qui concerne le fonds. Maintenant pour  l’histoire d’organisation, vous savez, un pays comme le Bénin n’a pas un calendrier culturel. A la veille de chaque nouvelle année, les députés votent un budget à l’Assemblée Nationale. Voilà ce qui devrait-être fait également dans la culture. Cela veut dire que les acteurs de tous les secteurs de la culture vont se réunir  à la veille de la nouvelle année pour s’organiser et planifier avec cohérence les activités au niveau d’un calendrier culturel. Ce faisant, aucune activité ne va s’entremêler dans une autre. En arrivant à Cotonou, vous entendez qu’il y a plusieurs festivals qui se tiennent dans une même période. C’est la même masse monétaire, c’est la même clientèle qui va s’éparpiller sur les différents endroits et comme cela qu’est-ce qu’ils vont récupérer les organisateurs ?

1 million d’emploi en six mois  grâce à la culture. Vous pensez que c’est possible au Bénin. Parlez-de ce projet que vous avez l’ambition de réaliser.

Tout le monde me pose la question de savoir d’où je sors cette affaire là.  Mais je dis ceci, la culture ne ressort pas du secteur social, elle ressort du secteur marchand. Si nous voulons donner de la valeur ajoutée en créant de la richesse et des emplois dans ce secteur, il faut créer les conditions de l’exercice dans ce secteur marchand là. Metteurs en scène, cinéastes, artistes, humoristes et autres acteurs de la culture se plaignent de l’insuffisance d’espaces culturels pour s’exprimer. Autour d’un espace culturel, c’est de la richesse qui se crée. Donc la première priorité de ce projet, c’est de créer des espaces culturels sur toute l’étendue du territoire national. Et quand je parle d’espaces culturels, c’est des espaces qui répondent à des normes.  Les espaces sont faites de telle sorte que sur place vous avez des salles de répétition, vous avez des salles de formations, vous avez des studios, vous avez des salles de live. Donc au même endroit, c’est un tout. Si nous créons les espaces, nous allons avoir tous les corps de métiers. Regardez les musiciens, un instrumentiste joue pour 10 groupes. Mais avec les espaces ce n’est pas possible parce que nous irons vers le semi-professionnel. Donc, ce qui fait qu’un musicien qui joue avec Alèkpéhanhou par exemple ne pourra pas aller jouer avec Adizé. Il jouera uniquement avec Alèpéhanhou parce celui-ci sera en prestation six jours sur sept. Adizé, cinq jours sur sept. Donc le corps de métier aura de la matière et nous allons valoriser ceux qui sont des formateurs, des musicologues, qui ont été à l’école mais qui ne mettent pas leur savoir en valeur faute d’endroits qui n’existent pas. A partir de là, vous n’entendrai plus qu’il n’y a pas d’emploi parce qu’un espace culturel peux créer tellement d’emploi. Si nous créons des espaces, les partenaires viendront nous payer des montants énormes qui permettront de faire vivre ses espaces là. Quand on dit qu’au Bénin il n’y a pas de musique de référence je dis oui. Parce que les conditions ne sont pas réunies pour qu’il y ait véritablement une musique béninoise. Si vous créez des espaces, les célébrités d’aujourd’hui vont disparaitre parce qu’il y aura une émulation qui va amener d’autres talents à faire émerger d’autres musiques. C’est la scène qui forme. Voilà ce que j’apporte au Bénin. J’ai les maquettes, les études de faisabilité pour permettre au bout de six mois de créer des millions d’emploi tout corps confondus. On me dit qu’au Bénin la piraterie tue les artistes et moi je réponds que c’est parce qu’on n’est pas organisé. Si vous avez un calendrier culturel et  qu’on sait qu’en 2016, nous devons sortir 200 artistes ou nous devons sortir 50 albums, nous créons un central d’achat qui a droit au fonds. Vous déposez vos albums selon le calendrier et la centrale d’achat fait une sélection. Il décide par exemple de sortir 50 albums dans le mois de Mars et peut commander 50.000 ou 100.000 CD de cet album. Si on réalise 100.000 CD par albums et qu’on vend à 500F cela fait 500 Millions. Cela  veut dire que si la centrale d’achat reçoit  aujourd’hui 100.000 albums, ils partagent ses albums en moins de 30Mn sur toute l’étendue du territoire à 500F. Dans ces conditions qui peut pirater l’œuvre. Je ne vais pas me mettre à définir tout parce qu’il y a des spécialistes de copie et de mal copie.

Vous êtes à quelle étape de la réalisation de ce projet ?

Je suis toujours à l’étape d’analyse et d’étude de faisabilité au pays. Les autorités béninoises ne m’ont pas saisi officiellement et je n’ai pas déposé de dossier dans ce sens là parce que c’est un projet itinérant pour moi. Il n’est pas politique mais culturel et il restera culturel. J’ai l’obligation de venir m’installer au Bénin parce que j’ai servi le continent africain depuis plusieurs années et je continue de le servi. Il est de mon devoir de venir servir le Bénin