mardi 21 janvier 2014

A cœur ouvert avec Sonia Damala, lauréate du prix de jeune styliste au FIMA

« La mode doit pouvoir avoir sa place dans la culture au Bénin sinon c’est dommage »
Sonia Damala
Sonia Damala

Animatrice de l’émission de mode « Viva la Moda » sur Canal 3 Bénin, Sonia Damala est une styliste confirmée et femme passionnée de la mode. Créatrice de la marque Sonia Clothes, son talent lui a valu le premier prix du jeune styliste lors de la 9ème édition du Festival International de la Mode Africaine (FIMA) qui s’est déroulé dans la région de Niamey du 20 au 25 Novembre 2013. De retour au bercail, nous avons rencontré l’heureuse gagnante pour une interview dont voici la quintessence.

On  connaît Sonia Damala comme animatrice d’une émission de mode. Aujourd’hui vous  êtes  devenue styliste et créatrice. La transition s’est faite comment ?
Je dirai que la mode fait partie de ma personnalité. Donc c’est quelque chose que j’ai développé depuis très longtemps. Le début est parti d’une émission de mode que j’avais eu à animer depuis fin 2010 et qui m’a permis de côtoyer le milieu. Je ne vais pas dire que j’ai pris goût à la chose. Je dirai plutôt que je me suis découvert une vocation et c’est rare de se découvrir une vocation, donc j’ai voulu en faire un métier. Je me suis lancé dedans corps et âme au point de démissionner de mon boulot habituel. Je veux dire qui cadre avec ma formation parce que je suis diplômé d’une maitrise en Banque et Finance. Donc c’est comme cela, j’ai constaté que la mode est encore un secteur très neutre. Pas seulement au Bénin, mais aussi en Afrique. Donc autant que je peux me faire une place dans le milieu et essayer de me donner un nom au Bénin à travers ma personne.
Vous avez représenté pour la première fois dans l’histoire, votre pays le Bénin à la 5ème édition du FIMA. Cerise sur le gâteau, vous avez remporté le premier prix.  Vos impressions après ce sacre ? 
C’est une toute première participation du Bénin de façon officielle en 15 ans d’événement. C’est la première fois que le Bénin est représenté. Au départ, 200 candidats de 54 pays ont été présélectionnés. Au finish, j’ai été retenu pour le compte du Bénin qui s’est fait représenté par trois candidats. Je pense que le talent à parler de lui-même et c’est ça qui nous a valu ce premier prix.
Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre part à ce festival ?
Sonia Damala est une femme ambitieuse, mais  pas de façon démesurée. Je fais partie de ces femmes qui veulent  quand même sortir de la masse, qui peuvent démontrer que nous avons des talents dans la gente féminine. Il y à des femmes qui se battent  histoire de sortir la tête de l’eau et démontrer que la femme à part entière est une entreprise, qu’elle peut faire quelque chose et qu’elle a besoin d’être soutenu. Je pense que c’est ma première motivation. Secondo, Sonia Clothes veut faire du stylisme une carrière. C’est une carrière qui est bien tracée dont le premier objectif était le trophée FIMA. Donc, c’est chose normale que je me présente à ce genre de concours et il faut dire aussi que Sonia Clothes est autodidacte. Ce qui veut dire que je n’ai fait aucune école de design ni de couture. Donc pour pouvoir me démarquer à travers mon talent il fallait un événement de cette envergure là. Et je peux dire que le FIMA était la bonne adresse, la bonne opportunité et je l’ai saisie.
Vous êtes sorti avec le premier prix du jeune styliste. Vous vous attendiez à gravir une si haute marche du podium ?
Bon, c’est comme on le dit souvent. Coup d’essai coup de maitre. En tout cas Sonia Clothes par principe n’aime pas perdre. Et de deux, quand je fais quelque chose, je me donne à fond. Donc dans ma tête j’étais très positive et j’ai gagné. J’ai mis tout en œuvre, j’ai fait tout ce qu’il faut et j’ai respecté les règles. Tout cela accompagné du talent, c’est ça qui a donné le résultat que nous célébrons aujourd’hui.
Si vous devriez  comparer le FIMA aux autres festivals qui s’organisent  au Bénin, qu’en direz- vous ?
(Sourire) C’est deux choses qui n’ont rien de comparable. Le FIMA, c’est un festival international qui regroupe les pays des cinq continents. Bon, je dirai que le Bénin a encore beaucoup de chemin à faire dans ce genre d’organisation parce que c’est beaucoup de travail. C’est vraiment un travail minutieux qui est fait. Vous avez plus de 1000 festivaliers qui sont attendus sans compter les ressortissants du pays eux-mêmes. Donc c’est beaucoup de monde à gérer. C’est vraiment une équipe de choc et puis moi j’aime bien cette initiative parce que c’est une équipe qui n’est pas constituée que de nigériens. Les européens, les américains et les africains constituent l’équipe qui contribue au festival. Donc sincèrement c’est du jamais vu et le FIMA n’a rien à envier aux autres festivals parce que si on doit faire un classement, je pense qu’il est au top, c’est le best.
Après avoir remporté ce prix pour le Bénin, quelle a été la réaction des autorités en charge de la culture ?
Je n’ai eu aucun apport, aucun soutien. Mais je ne vais pas non plus prendre une pancarte et aller au Ministère de la culture et revendiquer mes droits. Mais j’avoue que quelque part, c’est blessant parce que quand vous vous rendez compte que vous faites honneur à votre pays et que vous n’avez pas le soutien alors qu’en temps normal on devrait vous soutenir, c’est blessant. Je ne dis pas qu’on vienne me chercher mais bon depuis que je suis arrivée, j’ai fait pas mal de communication. Je suis passé à la télévision, à la radio. Je suppose qu’ils ont une cellule de communication au Ministère de la culture et qu’ils suivent tous ce qui se passe dans le pays mais bon. Je ne sais pas pourquoi depuis ce temps on ne m’a pas encore interpellé. Peut-être que pour eux la mode ne signifie rien. Mais moi je dis que la mode est un secteur porteur d’avenir et qui peut créer des emplois. Qu’on arrête de me dire que la mode n’est pas porteur et qu’on ne gagne rien dedans c’est pourquoi on ne s’intéresse pas à ça. Je suppose que nous nous habillons tous, on ne sort pas nu. Donc le vêtement est quelque chose de nécessaire qu’on le veuille ou non. Le vêtement est quelque chose de spécial pas seulement en Afrique. C’est un besoin fondamental. Je pense qu’après le manger, c’est le vêtir et le loger vient après. Manger et se vêtir, le reste après. Je peux être habillé et dormir dans la rue. Mais si je suis nue et je dors dans la rue, je risque de tomber malade. Donc le vêtement est important et il est tant qu’on prenne les choses aux sérieux et qu’on y mette du sien. Et vraiment qu’on arrête de nous répéter cette même histoire là. C’est fatiguant. Qu’on arrête de nous dire que c’est le système qui est comme cela. Je pense que l’homme est maître de son destin. Quand nous voulons que les choses changent, c’est nous mêmes qui devront changer.
 Quels sont vos projets ?
Le plus grand souhait de Sonia Clothes actuellement c’est de pouvoir présenter la collection qui a gagnée le trophée à la population béninoise. Donc c’est pourquoi jusque là ça m’étonne qu’on ne cherche même pas à comprendre ce qu’elle est allée présenter là-bas. Au moins que la curiosité les pousses à venir, me dire, mais montre nous le travail que tu as fait et qui t’a valu cette distinction. Le Bénin est sorti de nulle part et à gagner le premier prix. Donc vraiment moi j’aurais voulu présenter cette collection là à la population béninoise et peut-être pour éclaircir l’esprit de certains et lancer la marque Sonia Clothes. Donc je pense que la meilleure façon dont le Bénin pourrait me soutenir, c’est me donner l’occasion de présenter ma collection à travers un événement avec la collaboration du ministère de la culture, parce que franchement quand vous sortez de chez vous, avec l’identité de votre pays, que c’est le drapeau de votre pays qui flotte et qu’on vous demande si on n’a pu faire quelque chose pour vous, il faut pouvoir dire oui. Quand vous dites non, automatiquement les gens se détournent de vous. Donc elle est toute seule, elle n’a aucun soutien. Je fais tout, je gueule mais j’ai l’impression que personne n’entend  ce que je dis.
Un message à lancé ?
Sonia Damala3
Sonia Damala et ses mannequins
Je dirai Merci à toute mon équipe. Merci à Félicien Casterman, c’est un grand styliste international béninois qui m’asoutenu tout le long de ce voyage. Merci à Alphadi parce qu’il a eu la meilleure idée, qu’on puisse avoir pour ce secteur d’activité. Puis, c’est  quelqu’un qui voit la mode en grand. Il faut que chaque pays puisse organiser son fashion week, que chaque pays puisse porter ses propres vêtements. Qu’on arrêtera de tourner notre regard vers l’extérieur parce que tout ce dont on a besoin se trouve ici. Et nous produisons le coton non ? Nous avons besoin de quoi ? D’usines pour transformer le coton pour le remettre à nos couturiers ! La chose est tellement facile, il suffirait qu’on prenne conscience de la chose. Comme je l’ai dit, l’homme est maître de son destin. Et qu’on arrête de penser à soi-même et les choses iront beaucoup mieux. Au ministère de la culture, je dirai que la mode doit pouvoir avoir sa place dans la culture au Bénin sinon c’est dommage.

mercredi 8 janvier 2014

Le Bénin Culturel en 2013

Un pas de géant dans la douleur  
L’année 2013 qui vient de s’achever a été particulièrement éprouvée et douloureuse pour les acteurs du monde culturel au Bénin. Deux figures de proue de la musique béninoise et une dizaine d’artistes de la jeune génération ainsi que quelques autres acteurs du milieu culturel sont passés de vie à trépas à la grande tristesse de tous. Malgré cette douleur qui reste vivace, de nombreuses réalisations ont été enregistrées dans plusieurs domaines et secteurs de la vie culturelle.

2013 : année noire, éprouvante et émouvante pour les acteurs du secteur de la musique en particulier, et de la culture en général au Bénin. Elle vient de s’achever avec une bonne dose de tristesse marquée par des décès en cascade d’artistes chanteurs et musiciens. Il s’agit ici d’un souvenir macabre à vite oublier par les artisans de la culture qui dans la douleur et le malheur, ont posé des pas de géant  pour donner plus de visibilité au secteur. Par leurs multiples réalisations et nouvelles initiatives inscrites au titre de l’année 2013, des promoteurs d’événements culturels ont contribué à plus de rayonnement de la culture béninoise aussi bien sur le plan national qu’international. Ce qui fonde l’argument d’espérer à tout prix pour ce secteur culturel, quatrième pilier du développement durable, hélas relégué au second plan par ici.
Artistes propagandistes du Ramu
L’année 2013 n’a pas été que douloureuse pour les artistes béninois. Certains parmi eux ont su bien s’en sortir financièrement en faisant preuve d’imagination et de créativité. En plus d’être des chanteurs et musiciens, ils ont été également des communicateurs et des propagandistes. Cette nouvelle trouvaille a rallumé le sourire aux lèvres de ces artistes qui ont tiré légalement profit de la manne collective. En effet, pour accompagner le gouvernement dans sa mesure sociale à vocation sanitaire, le RAMU, des artistes musiciens et comédiens du Bénin se sont faits entendre. Dans le cadre de leurs tournées d’un mois au profit du Régime d’Assurance Maladie Universelle, ils ont sillonné plusieurs artères du Bénin,  parcouru presque tous les départements du pays pour faire comprendre aux populations l’importance de cette mesure pour le soulagement de leurs peines en matière de santé. Ce qui n’a pas été sans critiques et invectives vu que ces artistes retenus pour la campagne seraient des « patriotes », et donc seraient dans les coulisses du régime politique.
Le FITHEB déplumé toujours sans directeur
La polémique qui s’est enflammée entre les principaux acteurs du milieu théâtral, en l’occurrence les administrateurs du Conseil d’Administration du Festival International de Théâtre du Bénin (FITHEB) et l’autorité de tutelle, n’a pas permis de relancer fièrement le festival. En revanche, les controverses entretenues en partie par le ministre qui tenait à s’imposer de force face à l’entêtement du CA, a-t-on dit, a plombé la direction du plus grand festival de théâtre d’Afrique, actuellement sans l’installation du nouveau directeur choix conformément aux textes. L’autorité ministérielle serait contre la méthode de défiance du désormais précédent Conseil d’Administration présidé par Justin Ekpélikpézé, qui  a désigné l’homme de culture Eric Hector Hounkpè pour conduire les destinés du FITHEB. A deux mois de la tenue de la prochaine édition du festival, selon la tradition, rien ne se profile à l’horizon si ce n’est l’impasse. Aux dernières nouvelles, le ministre de la culture, Jean Michel Abimbola réaffirmerait sa volonté d’offrir aux Béninois un Fitheb en 2014 sans d’autres précisions. Vivement qu’on évite la caporalisation du festival. 
Des icônes de la musique internationale à Cotonou
Avec l’organisation au Bénin de deux événements culturels majeurs, de grosses pointues de la musique africaine et internationale ont foulé le sol béninois au cours de l’année 2013. Il s’agit du Festival Cotonou Couleurs Jazz et de la série de concerts organisés dans le cadre des cinquante années d’existence de l’Institut Français de Cotonou. Avec un dispositif de son et lumières répondant aux normes internationales, déployé par Moî Virchaux et John Arcadius lors de la 2ème édition du Festival Cotonou Couleurs Jazz, le public a découvert ou redécouvert sur la scène la diva de la musique béninoise Angélique Kidjo, dix ans après sa dernière prestation au Bénin. Elle était accompagnée d’autres célébrités de la musique comme King Mensah, Henri Dikongué, Baaba Maal, Régis Kolé, Blue Moon, Balimurphy. Cette initiative de célébrations des 50 ans de l’IFC a connu un grand succès par la forte participation du public et de la renommée des artistes qui ont presté sur la scène du Théâtre de verdure de l’Institut. Aussi, des artistes de la trempe de Didier Awadi, la figure la plus visible du rap africain francophone et l’humoriste Mamane, le président fondateur de la République très très démocratique du Gondwana, ont rallié Cotonou pour apporter leur dose de prestation.
Les arts visuels mieux portés
Les artistes plasticiens se sont faits également remarqué durant l’année 2013. Grâce à l’organisation d’une dizaine d’activités et d’initiatives nouvelles, une dynamique nouvelle a été impulsée au secteur des arts visuels au Bénin. Organisé dans un creuset dénommé ABAP Four P, ils ont présenté au public une soixantaine de nouvelles créations d’œuvres et tableaux en sculpture, photographie, performance et  installation. C’était du 23 au 30 septembre dernier sur l’esplanade de la place du Souvenir avec la participation de huit pays de la sous-région. L’édition d’un répertoire pour les artistes plasticiens et les acteurs en arts visuels vient résoudre à moyen et long termes, les véritables problèmes de développement de la filière. Cet ouvrage est un condensé des artistes plasticiens, des historiens d’art, des journalistes culturels, des collectionneurs d’arts et de centres culturels répertoriés sur toute l’étendue du territoire national.
Une flopée de festivals pour des résultats mitigés
Le Bénin s’apparente à un réservoir de festivals qui se créent au jour le jour, lorgnant tous le milliard culturel. L’année 2013 a fait voir la tenue des traditionnels festivals, mais aussi la création d’autres, hélas portés parfois par les mêmes promoteurs ou initiateurs culturels. Ainsi, des acteurs bien connus du milieu s’en sortent avec plusieurs subventions parce que au cour du système de financement du Fonds d’aide. Si de cette ingéniosité culturelle, on pourrait saluer la forte animation du milieu des festivals, il se pose cependant leur contribution aux dispositifs de rayonnement du Bénin sur le plan culturel et encore plus leur impact financier à l’économie. Il revient alors d’assainir le financement des festivals parfois créés de toute pièce pour « capter » le milliard qui, en soi, être mieux distribué pour le bouillonnement culturel béninois.