Quand Maurice Fleuret devient Directeur de la Musique et de
la Danse en octobre 1981, à la demande de Jack Lang, il applique ses réflexions
sur la pratique musicale et son évolution : "la musique partout et le
concert nulle part". Découvrant en 1982, à l’occasion d’une étude sur
les pratiques culturelles des français, que cinq millions de personnes dont un
jeune sur deux, jouent d’un instrument de musique, il se prend à rêver de faire
descendre les gens dans la rue.Et c’est ainsi, en quelques semaines, que Jack
Lang, ministre de la culture, décide de lancer la première Fête de la Musique, le
21 juin 1982, jour du solstice d’été, nuit païenne se référant à l’ancienne
tradition des fêtes de la Saint-Jean.« Faites de la musique, Fête de la
Musique », la formule devenue mot d’ordre n’avait rien du slogan. Cette
mobilisation des musiciens professionnels et amateurs, cette attention nouvelle
portée à tous les genres musicaux, devenaient ainsi, à travers la réussite
immédiate d’une manifestation populaire et largement spontanée, la traduction
d’une politique qui entendait accorder leur place aux pratiques amateur ainsi
qu’au rock, au jazz, à la chanson et aux musiques traditionnelles, aux côtés
des musiques dites sérieuses ou savantes.La gratuité des concerts, le soutien
de la SACEM, le relais des médias, l’appui des collectivités territoriales et
l’adhésion de plus en plus large de la population, allaient en faire, en
quelques années, une des grandes manifestations culturelles françaises.Elle
commence à "s’exporter" en 1985, à l’occasion de l’Année
européenne de la Musique. En moins de quinze ans, la Fête de la Musique sera
reprise dans plus de cent pays, sur les cinq continents.Succès
international, phénomène de société (un timbre poste lui est consacré en 1998),
la Fête est aussi porteuse des nouvelles tendances musicales, que souvent elle
annonce, que toujours elle traduit: renouveau des musiques traditionnelles,
explosion des musiques du monde, développement des chorales, apparition du rap,
de la techno, retour au carnaval musical... Sa réussite visible en centre-ville
occulte bien d’autres dimensions : elle entre dans les prisons, partage la vie
des malades et du personnel à l’hôpital, rapproche les établissements scolaires
et les écoles de musique, établit des liens et des échanges entre la ville et
la banlieue, irrigue les communes rurales, valorise le travail de plusieurs
mois ou de toute une année d’un individu, d’un groupe, d’une association ou de
toute une communauté. Sans être jamais instrumentalisée, la Fête de la Musique
favorise ainsi naturellement la démocratisation de l’accès aux pratiques
artistiques et culturelles. La réussite de la Fête est d’abord celle des
multiples réseaux qui s’activent en prévision du 21 juin. Ils peuvent être
institutionnels, comme les Théâtres Lyriques, les Orchestres nationaux et
régionaux, les Ensembles de musique de chambre, les Conservatoires, les Ecoles
de musique…, professionnels comme les Scènes de Musiques Actuelles (SMAC) et
Cafés Musique ou les Antennes du Printemps de Bourges.A cette occasion, les
grandes fédérations amateurs mobilisent leurs relais dans toute la France qu’il
s’agisse de la Confédération Musicale de France pour les Fanfares, les
Harmonies et la pratique amateur en général ou de A Coeur Joie pour les
Chorales. Les équipements sociaux et culturels, les associations locales aident
à révéler les nouvelles expressions musicales. La vitalité de la Fête compte aussi
avec les énergies de tous les » volontaires » qui se mobilisent
individuellement pour apporter à cette journée exceptionnelle sa part
fondamentale de spontanéité, son allure de transgression joyeuse. En l’espace
d’une génération, la Fête manifeste ainsi sa capacité permanente à se
réinventer, ingénieuse et vivace, issue de l’institution, mais ayant choisi –
comme la chanson – de vivre sa vie dans la rue.
Source : fetedelamusique.culture.fr